Frédéric TIMBERT : une « success story » 100 % française

Expert dans la fabrication française industrielle de matériel de pesage, défenseur du savoir-faire français avec le groupe Timber depuis plus de trente ans, Frédéric Timbert cultive la « positive attitude ». Il est également un membre actif de la « French Fab ». Rencontre avec cet entrepreneur, champion national du pesage toute catégories confondues version « Made in France ».

Fondateur et dirigeant de la société Timber, Frédéric Timbert nous présente son entreprise et nous fait découvrir un métier discret, la pierre angulaire d’un secteur industriel méconnu du grand public : le pesage ! Industrie lourde, ou légère, agro-alimentaire, industrie du luxe, balances domestiques, cette société familiale innove sur de multiples segments et reste un leader incomparable sur ce marché qui pèse plusieurs millions d’euros. Concepteur, constructeur, importateur de systèmes de pesage pour les professionnels et les particuliers, Frédéric Timbert est le premier constructeur de matériel de pesage à recevoir le label Origine France Garantie pour la balance RUBIS®, première balance 100 % française du marché, exposée par la Présidence de la République au Palais de l’Élysée.

Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le T de votre patronyme a disparu dans le nom de votre entreprise ?
Lorsque j’ai cherché un nom pour ma société, j’ai pensé que l’utilisation de mon patronyme avait du sens. Comme vous le savez, la création d’un logo s’impose et à partir de là, la présence du T à la fin de Timbert me posait un problème, visuellement parlant. Sa suppression a simplifié la chose et a permis à mon logo de ne pas être « fermé ». Et puis, Timber sans T sonne plus international. C’est simple, efficace et cela représente vraiment l’entreprise.

Quel est votre parcours et pourquoi le matériel de pesage ?
J’ai un parcours assez atypique. Mon bac en poche, j’ai poursuivi des études techniques. Le système scolaire français ne me convenant pas, j’ai décidé de travailler avec mon père qui était chef d’entreprise. On peut dire que je suis tombé dans la marmite de l’industrie étant enfant puisque mon grand-père était également un industriel. Déjà gamin, je passais mon temps dans l’atelier de matériel électronique. Je n’ai jamais imaginé d’autre avenir que celui d’entrepreneur. Cette fibre-là coule dans mes veines, je pense que c’est héréditaire. Mon père, qui développait du matériel de pesage pour l’agriculture, venait de revendre ses affaires et, de mon côté, je souhaitais travailler avec lui. Le timing était parfait. Nous nous sommes donc associés et j’ai bénéficié de ses connaissances et d’un accompagnement technique appréciable.

Quels sont les débuts de Timber Productions ?
Tout a commencé avec deux bureaux installés dans 25 m2 en 1990. Nous avons travaillé ensemble pendant environ quinze ans, puis mon père a pris sa retraite. Durant cette période, deux ans ont été nécessaires pour mettre au point notre création, un produit de pesage mobile installé sur un chariot élévateur, qui existe d’ailleurs toujours.

” Nous avons inventé en France le pesage hydraulique, qui n’existait pas, et nos premiers clients ont été les fabricants et les négociants de chariots élévateurs. Aujourd’hui, nous proposons plus de 2 000 produits de pesage “

Le pesage est-il un marché concurrentiel ou un marché de niche ?
Il s’agit d’un marché concurrentiel comportant de nombreuses niches. En France, il représente environ un milliard d’euros de CA. Les produits les plus commercialisés couvrent de nombreux domaines : boulangerie, pâtisserie, restaurants, hôtellerie, industrie et laboratoires.Timber Productions se positionne dans un marché très segmenté et sa force réside justement dans cette approche. Pour vous donner un exemple concret, une société qui a un laboratoire de création de parfum a besoin d’un matériel de pesage particulier, qui nécessite un savoir-faire que nous possédons. Globalement, je suis à l’aise dans le secteur de l’industrie où je possède de l’expérience.

Vous prônez la tradition dans l’innovation, ou l’inverse, et avez fait le choix depuis vos débuts du made in France et des circuits courts. Pourquoi ?
Nous représentons ce que j’appelle un vieux métier. Une balance est faite pour peser, c’est une évidence, mais que pouvons-nous lui offrir de plus ? La tradition, je maîtrise. L’innovation, indispensable, j’arrive à l’apporter en restant à l’écoute des besoins de mes clients. Aujourd’hui, Timber Productions possède un catalogue d’environ 2 000 références de matériel. Je ne les fabrique pas toutes mais je les maîtrise, comme tout ce que je vends. Les produits que nous concevons sont toujours fabriqués en France et parfois brevetés. C’est ma philosophie. Nous concevons en interne – notre bureau d’ingénierie est une véritable valeur ajoutée – puis travaillons avec des sous-traitants présents dans l’Hexagone. Qu’il s’agisse de professionnels de la mécanique, de l’électronique ou de la peinture, je tiens à collaborer avec eux : ce sont des personnes proches géographiquement de mon entreprise. D’ailleurs, je visite régulièrement les usines qui me fournissent du matériel.
Ce choix du made in France m’a toujours semblé logique ; on en parle depuis une dizaine d’années seulement, auparavant personne n’évoquait ce sujet. Privilégier les circuits courts me permet d’être réactif à la fois dans la vente et dans le SAV. Tout devient plus facile et nous sommes hyper compétitifs, ce qui est somme toute logique ! L’Asie fabrique pour le monde entier, en France, nous fabriquons pour un pays ou une région. Timber Productions se positionne sur un marché de niche qui met en avant l’innovation et la qualité mais aussi le suivi. Ce type de marché n’intéresse pas l’Asie qui va plutôt vers la production de masse.

Le suivi justement, quid du SAV chez Timber Productions ?
Le suivi reste une priorité et deux personnes sont dédiées à ce département. L’expérience client est au cœur de notre démarche ; le client doit savoir qu’il est important pour nous et que sa satisfaction reste l’une de nos priorités. Être fabricant fait que nous connaissons les produits et que nous sommes capables de les réparer ou de les dépanner si nécessaire. Et comme nous travaillons avec des co-traitants français, nous ne sommes pas obligés d’attendre des semaines, voire des mois, la livraison d’une pièce indispensable à la réparation.

Comment devient-on leader du pesage industriel français avec une petite équipe de six collaborateurs ?
Petite certes mais super ! Je suis partisan d’une organisation à l’italienne : peu de collaborateurs et beaucoup de sous-traitants. Ce qui permet d’avoir une vraie réactivité et une souplesse impossible dans une grande entreprise de plusieurs centaines de personnes. Je n’assure pas la fabrication de tous les produits car il faut des spécialistes, par exemple dans le domaine mécanique.

Comment se répartissent les deux grandes activités de Timber Productions ?
Nous officions sur l’industrie, qui représente un peu plus de 60 % de notre activité et sur les métiers de bouche. Nous proposons aussi la personnalisation de balances pour l’hôtellerie, un marché vraiment spécifique mais cependant très représentatif de notre philosophie et des attentes des clients. Tout a commencé lorsque nous séjournions dans un établissement parisien de renom avec mon épouse. Je remarque alors que dans la salle de bains, le pèse-personne est le parent pauvre de notre chambre. Les peignoirs et les pantoufles sont siglés, les cendriers également mais le pèse-personne, lui, n’est pas à la hauteur de l’adresse. Me vient alors une idée. Connaissant parfaitement le monde du pesage, j’ai trouvé un pèse-personne de grande qualité, sur lequel nous avons gravé la marque de l’hôtel. Le résultat est vraiment magnifique et apporte une personnalisation très qualitative. J’appelle cela un produit coup de cœur, en toute petite série, que je propose aux beaux hôtels en France. Aujourd’hui nous collaborons avec des hôtels prestigieux, comme le Negresco à Nice, le groupe Maison Albar, le groupe Constance et de nombreux hôtels Relais & Chateaux. C’est positif pour l’image de l’hôtel autant que pour celle de Timber Productions. Dans le même esprit, je propose des modèles de petites balances 5 kg, siglées du nom des chefs pâtissiers ; le particulier peut ainsi s’identifier au professionnel. Là encore, il s’agit d’un marché de niche.

Quel est le CA 2024 de Timber Productions et quelle est la part des ventes en France ?
Notre CA s’est élevé à 3,3 M€ et nous réalisons 85 à 90 % de nos ventes en France. Les 10 à 15 % à l’export proviennent de nos ventes aux Émirats Arabes Unis, Dubaï, Qatar et Abou Dabi et concernent exclusivement les métiers de bouche.

Diriez-vous que vous êtes un entrepreneur doublé d’un inventeur ou un inventeur devenu chef d’entreprise ?
En France, quand on prononce ce mot, on visualise immédiatement le professeur Tournesol. Alors oui, je suis un inventeur mais pas un inventeur fou. Plutôt un pragmatique. Avoir une idée et créer quelque chose qui ne servira à personne, très peu pour moi. J’ai déposé 5 brevets à ce jour et tous concernent des produits de pesage qui ont une utilité directe pour les professionnels. Je citerai par exemple Rubis, la seule balance française du marché à être certifiée Origine France Garantie. Elle illustre parfaitement ma vision de l’invention. Au lieu de proposer une balance avec un plateau inox dont les bords sont soudés, nous avons eu une idée qui a priori paraît simple mais encore fallait-il y penser : quatre coins rouges solidarisent le plateau, ce qui est à la fois fonctionnel et très pratique, en plus d’être esthétique. Penser les produits autrement, voilà mon secret.

” Timber Productions capitalise sur plus de trente ans d’expertise et se pose aujourd’hui en référence du pesage pour les professionnels dans tous les domaines. L’ensemble des produits Timber Productions sont imaginés, conçus et assemblés en Seine-et-Marne, au sein même de l’entreprise. Quant aux partenaires sous-traitants, ils sont exclusivement français et fournissent Timber Productions depuis tout l’Hexagone. “

Vous êtes donc en permanence en recherche de solutions nouvelles ?
Effectivement, et je peux dire que j’apprends chaque jour de ma vie. Comme je vous l’ai dit, je n’adhérais pas totalement à l’école telle qu’imposée par l’Éducation Nationale. En revanche, j’ai suivi les cours du soir au Conservatoire des Arts et Métiers et suis passé par l’INSEAD, deux expériences très positives. Mon passage à l’INSEAD notamment a changé ma façon de gérer mon entreprise.
Mon ouverture d’esprit a toujours consisté à aller vers les autres, à me confronter à eux et à apprendre chaque jour. À ce titre, participer chaque mois à une rencontre APM, au cours de laquelle un expert vient à notre rencontre, permet de se remettre sans cesse en question et prouve que rien, jamais, n’est acquis une fois pour toutes.

Concrètement, comment travaillez-vous ?
Si le processus reste identique, il faut distinguer deux cas de figure dans notre approche. La question peut venir de l’extérieur et concerner un besoin spécifique. Nous sommes là pour apporter une solution au problème posé par le professionnel, dans un temps relativement court.
Seconde possibilité : nous créons un produit qui ne fait pas l’objet d’une demande mais qui est le résultat d’une idée directement liée au monde extérieur. Nous sommes alors dans un temps long. Actuellement, nous travaillons beaucoup sur des solutions concernant le recyclage des déchets pour des sociétés qui ont besoin de pratiquer le tri sélectif. Lorsqu’on utilise des poubelles classiques dédiées au tri sélectif, on ne connaît pas le poids de ce tri. Notre but est d’intégrer des balances, bien sûr made in France, aux containers qui deviendront ainsi connectés et permettront de quantifier les déchets. À terme, ce projet intéressera les gares, les aéroports, des entreprises privées…

” Défendons notre patrimoine industriel et social “

La place grandissante de l’IA dans notre société vous inquiète-t-elle ?
Cela ne m’angoisse pas du tout. Au contraire, si grâce à elle on peut gagner du temps, je dis bravo ! Nous nous en servons déjà pour nos notices ; l’IA peut prendre en charge des taches répétitives et peu intéressantes.

Votre grand-père et votre père semblent vous avoir transmis leur fibre entrepreneuriale. La transmission est-elle importante à vos yeux ?
Bien sûr ! Je vais régulièrement dans des écoles faire découvrir mon métier aux élèves et leur expliquer en quoi il consiste. J’ai créé un club d’entrepreneurs dans ma ville ; il nous permet de nous rencontrer, d’apprendre à nous connaître, de partager des expériences, le tout dans une ambiance conviviale.

” Une balance est faite pour peser mais chez Timber Productions nous lui offrons une valeur “

Racontez-nous l’un de vos meilleurs souvenirs professionnels.
Incontestablement la présentation de notre balance Rubis à l’Élysée en janvier 2020. Grâce à cette balance nous avions été sélectionnés pour représenter la Seine-et-Marne lors de l’exposition « Fabriqué en France ». Le fait que ce produit ait été choisi tient sans doute à sa certification Origine France Garantie, un label qui prouve qu’il a été réellement fabriqué en France. Être reçu par le Président de la République, alors que Timber Productions est une entreprise de six collaborateurs, prouve que ce n’est pas la taille de la société qui dicte ses compétences. On peut être innovant avec une équipe restreinte. Outre la notoriété générée en France et à l’étranger, cette reconnaissance fait du bien à tous ceux qui ont œuvré à la réussite du projet, salariés comme co-traitants. Elle booste chacun et permet de maintenir le dynamisme qui nous caractérise.