L’hôtel de Crillon, ou l’éloge du luxe à la française

Témoin flamboyant de la grande et de la petite histoire de France, l’établissement commandé par Louis XV à Ange-Jacques Gabriel, l’architecte le plus en vue de l’époque, continue d’exercer son pouvoir de fascination. Il faudra attendre 1909 pour que cette demeure, jusqu’alors privée, devienne un hôtel de luxe. Son directeur général, Vincent Billiard, a pris ses fonctions en janvier 2020 et veille à accompagner l’emblématique établissement et ses hôtes dans leur quotidien.

Comment voyez-vous l’hôtel de Crillon ? Un monument national symbole du luxe à la française ?

L’hôtel de Crillon pourrait effectivement être considéré comme un trésor national de par son prestigieux passé. Construit sous Louis XV en 1758, il est le témoin de plus de deux siècles d’histoire. Il a connu deux rois, la Révolution française, l’essor puis la chute de l’Empire napoléonien, la naissance de la Société des Nations. Il a accueilli les grands de ce monde au fil des siècles. Et il a réussi à se réinventer grâce à des rénovations respectueuses de l’existant. En effet, entre 2013 et 2017, l’hôtel a été rénové par des architectes et des décorateurs de renom qui ont su marier la cohérence d’un projet et l’irrévérence parisienne qui le caractérise. Aujourd’hui, nous pouvons en parler comme d’un hôtel de légende, un mythe. Il est sans aucun doute l’un des fleurons de l’hôtellerie française.

Le luxe à la française est-il une réalité ou pensez-vous que le luxe n’a pas de passeport ?

Les deux affirmations sont vraies. J’ai grandi à Paris avant de partir vivre à l’étranger pendant une vingtaine d’années. Je peux donc témoigner du ressenti à l’international de ce que nous appelons le luxe à la française. Il demeure une valeur sûre et notre hôtellerie haut de gamme le fait rayonner partout dans le monde. L’excellence telle que nous la pratiquons dans nos établissements suscite le rêve et l’admiration. De plus, la culture française véhicule également cette notion d’excellence. Ainsi, oui, le luxe reste indéniablement associé à la France. Il ne faut cependant pas oublier que chaque pays possède sa propre culture, le Japon par exemple bénéficie d’un impressionnant héritage culturel et d’un grand raffinement. Mais j’ai constaté que, souvent, tout ce qui se rapporte au luxe est connecté, d’une façon ou d’une autre, à la France. Citons par exemple les chefs de restaurants gastronomiques qui, pour beaucoup, sont venus apprendre ou se perfectionner dans l’Hexagone.

Comment se traduit l’approche de « l’hospitalité relationnelle » prônée par le groupe Rosewood Hotels & Resorts au quotidien ? Comment conciliez-vous, avec vos collaborateurs, cet art de recevoir à la fois très haut de gamme et néanmoins chaleureux ?

Cette hospitalité relationnelle est la philosophie même du groupe Rosewood Hotels & Resorts auquel l’hôtel de Crillon appartient. Nous sommes les garants de l’héritage que nous avons entre les mains, de l’esprit du lieu ainsi que, dans une moindre mesure, de la philosophie de la ville. Car nous sommes également une maison destinée aux Parisiens.

La relation avec les collaborateurs de l’hôtel de Crillon reste essentielle, ils représentent l’âme et le cœur de notre philosophie. Je tiens à tous les connaître individuellement. Le recrutement reste d’ailleurs un passage obligé essentiel dont va dépendre, ou pas, la suite de notre aventure commune. Je recherche des personnes qui sauront prendre leurs responsabilités, faire preuve d’initiative, et j’aime voir briller dans leurs yeux cette petite flamme. Qu’ils abordent le relationnel de manière informelle me plaît mais ils doivent assurer un service impeccable. À eux d’être intuitifs, de comprendre et même d’anticiper les besoins de nos hôtes. Je leur demande de tisser des liens et de participer. La relation forte qui m’unit à mes collaborateurs se transmet à toutes les personnes qui franchissent le seuil de notre établissement.

Les attentes des clients ont-elles changé ces dernières années et si oui, comment y répondez-vous ?

Notre clientèle a rajeuni et se montre davantage sensible au lifestyle. Elle attend que nous innovions, que nous proposions des expériences uniques et sur mesure. Le rapport au temps a également évolué. Avec les nouvelles technologies et notamment WhatsApp, nous sommes entrés dans l’ère de l’immédiateté, celle des demandes et surtout des réponses à ces demandes. Nous le ressentons surtout au niveau des réservations et de la conciergerie. Pour y répondre favorablement et efficacement, nous avons recruté des majordomes, des concierges et des agents de réservations. Leur nombre est en hausse constante depuis 2019 et nous comptons aujourd’hui quatorze majordomes et douze concierges.

Notre souhait est aussi que l’hôtel de Crillon, à travers un certain nombre d’expériences, demeure un hôtel particulier pour les Parisiens. Ces derniers doivent s’y sentir à l’aise et y passer un moment unique. Cet hiver, nous avons installé un petit stand éphémère dédié à la vente de chouquettes avec du chocolat chaud. Il est possible de faire une balade dans Paris à bord de notre DS 21 conduite par l’un de nos chauffeurs. Cet emblème français de l’automobile, garée devant l’établissement, est un clin d’œil à une marque historique.

Parce que nous aimons le mélange des genres et qu’il nous permet de proposer à tous, visiteurs étrangers comme parisiens, des expériences variées, nous accueillons un nouveau chef, Paul Pairet, et sa nouvelle table baptisée Nonos. Avec elle, l’hôtel de Crillon prend le contrepied et se veut résolument décomplexé. Même ambition avec Butterfly, une pâtisserie qui, dès le mois d’avril, pourra être consommée sur place ou emportée. Comme vous le constatez, nous gardons toujours l’esprit de ce lieu unique, situé sur l’une des plus belles places du monde mais nous lui apportons aussi ce petit supplément d’âme teinté de modernité.

Comment vous démarquez-vous des autres palaces, parisiens et internationaux ?

Notre situation est assez unique, la place de la Concorde est un écrin fabuleux. Notre histoire ensuite, l’hôtel de Crillon possède un ADN fort. Les rénovations successives ont été effectuées dans le respect du bâti et de sa propre histoire et lui ont permis d’entrer dans le XXIe siècle de la plus belle des manières. Les décorateurs qui ont œuvré sont français, voire même parisiens ou installés en France depuis longtemps, ils connaissent les codes du luxe à la française. L’hôtel de Crillon offre l’image de Paris, d’un Paris chic, luxueux et authentique.

J’ose croire que nous nous démarquons également grâce à cette attention extrême que nous portons aux détails en matière de service notamment. Nous nous attachons à faire plaisir à nos clients, à créer de l’émotion et à construire avec eux des souvenirs inoubliables.

À l’international, Paris fait encore et toujours rêver, je le constate à chacun de mes voyages à l’étranger. La France reste une référence et Paris possède une véritable aura. /

Plus d’infos : www.rosewoodhotels.com

Entre rendez-vous décontracté et pause chic
L’hôtel de Crillon, s’il demeure une référence en matière d’élégance et de raffinement, sait aussi surprendre. Mais toujours avec bon goût et ce souci de l’excellence, son ADN. La preuve avec l’ouverture en janvier dernier de Nonos & Comestibles par Paul Pairet, et en avril prochain avec la pâtisserie Butterfly. De quoi affoler nos papilles et ravir nos palais !

Sa casquette éternellement vissée sur la tête, le chef Paul Pairet ne détonne plus vraiment dans le cercle des chefs étoilés. Certains de ses confrères ont abandonné la traditionnelle toque et l’uniforme blanc pour mettre de la couleur en cuisine. Ils portent désormais sur eux l’originalité qu’ils glissent dans leurs assiettes. Et ce qui, il y a quelques décennies encore, aurait pu passer pour un manque de respect inacceptable, devient aujourd’hui le symbole d’une nouvelle approche du métier, moins protocolaire mais tout aussi, sinon plus, inventive.

Sa personnalité autant que son talent ont ouvert à Paul Pairet les portes de l’hôtel de Crillon. Les épicuriens et les gastronomes globe-trotters savent que ce chef français a obtenu 3 étoiles au Michelin pour Ultraviolet, son restaurant de Shangaï. Il dirige trois autres établissements en Chine :

Le Café Pollux, le Grill Charbon et la brasserie Mr & Mrs Bund. C’est sa participation en tant que juré dans l’émission Top Chef qui l’a fait connaître en France.

Un concept hybride, deux tables pour deux expériences culinaires

Nonos & Comestibles par Paul Pairet relève d’un concept inattendu et un brin malicieux. Un peu nostalgique aussi. En renouant avec la tradition du grill, le chef, via Nonos, offre à l’hôtel de Crillon une parenthèse gourmande qui trouve tout naturellement sa place au sein de l’emblématique établissement. « Grill, rien qu’à la prononcer, cette petite syllabe met le cœur en joie, l’appétit sur ressort et le sourire aux lèvres », dit Pairet. Sur sa carte, des recettes qu’il qualifie de « gourmandes et heureuses » : œuf mimosa, soupe à l’oignon, homard grillé ou gigot tranché devant les convives, bar entier ou grande sole meunière, côte de bœuf épaisse ou fine entrecôte, ainsi que poulet rôti ou saucisse-purée (deux incontournables). Les becs sucrés se régaleront d’un soufflé au chocolat, d’un riz au lait ou d’un baba au rhum.

Côté déco, Tristan Auer a respecté l’esprit brasserie du lieu, lui insufflant les codes du genre : espaces conviviaux, assises confortables, palette de couleurs intemporelles, le tout promettant aux convives des moments privilégiés mais sans chichi.

Complémentaire de Nonos, voici Comestibles, que Paul Pairet appelle « son garde-manger, sa cantine complice, son comptoir-épicerie. » Ici, place aux fruits de mer, à la charcuterie, aux poissons fumés, à une jolie sélection de fromages et à quelques délices sucrés pour terminer sur une note douce.

De gourmandise, il en sera question dès le mois d’avril, grâce à la pâtisserie Butterfly. Les tartes aux fraises, millefeuilles et autres grands classiques français, mais aussi les chocolats Signature y seront présentés comme les pièces les plus précieuses d’un artisan joaillier. Pour le plaisir des yeux, qui précède celui du palais.