En créant ses parfums, Gérald Ghislain réalise un rêve. Après des débuts dans le monde de la restauration, il entame une formation à l’ISIPCA (Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l’aromatique alimentaire). Dès 1999, il troque le piano pour l’orgue à parfums. Ainsi, lancer sa marque, Histoires de Parfums, était une suite logique.
Pourquoi Histoires de Parfums ?
Parce que c’est ce que j’aime, raconter des histoires. Mais comme je ne suis pas écrivain, j’utilise non pas des mots mais des essences.
Que racontent ces histoires ?
Elles parlent d’un savoir-faire traditionnel passionnant, celui de la parfumerie française, dont j’essaie de perpétuer l’exigence. Elles parlent de matières premières d’exception, que je choisis sur un seul critère : la qualité. Je veux que mes parfums restent sur la peau et diffusent leur personnalité. Certains font des parfums discrets, moi non. Je veux aller au bout du geste de se parfumer : on le fait pour soi mais aussi pour les autres, donc je ne vois pas l’intérêt de créer des parfums que personne ne sent !
Comment le parfum est-il entré dans votre vie ?
Très tôt il a fallu que je gagne ma vie et ce fut en fait une chance de travailler très jeune. À la maison, c’est moi qui cuisinais : concevoir un menu, dresser une belle table, j’adorais ça. Et je n’ai pas changé, lorsque je cuisine pour mes amis, ils ne me voient pas de la soirée, je suis absorbé par le moindre détail, il faut que tout soit parfait ! Donc je suis devenu cuisinier et, à vingt-deux ans, ai ouvert mon premier restaurant. Le parfum est arrivé en 1999, c’était un vieux rêve. J’ai suivi une formation à l’ISIPCA puis les douze premières fragrances d’Histoires de Parfums sont nées très vite.
Comment passe-t-on du « piano » aux flacons ?
Le chemin est assez naturel, dans les deux cas, la nature est sublimée. À travers la gastronomie, le goût participe autant que l’odorat. À partir d’un thème, d’une envie ou d’un élément, on compose une ambiance, une histoire, et on la met en œuvre grâce à différents ingrédients. La parfumerie procède exactement de la même manière que les arts de la table. Mais au-delà de la construction d’un parfum ou d’un plat, ce qui compte est la notion de sensualité et de partage.
Histoires de Parfums a-t-elle un équivalent dans la parfumerie de niche ?
J’ai créé Histoires de Parfums voici vingt-cinq ans, ce qui en fait la plus ancienne des jeunes marques de niche. Aujourd’hui, le terme « niche » a évolué, car le public est de plus en plus averti et recherche des parfums au caractère affirmé. Les réseaux sociaux et de nouveaux circuits de distribution alternatifs ont aussi permis une diffusion plus large.
Pourquoi votre marque se présente-t-elle comme une bibliothèque dans laquelle chaque parfum représente un livre ?
Parce que j’ai eu une sorte de révélation en visitant, il y a très longtemps, le musée de la parfumerie de Grasse. Je voulais construire ma propre histoire du parfum en revisitant les fondamentaux (le chypre, le boisé, le floral…), à travers des personnages qui m’inspirent, identifiés par leur date de naissance. Ainsi, chaque parfum incarne un tome d’une encyclopédie subjective, d’un atlas poétique, dans lequel chacun voyage librement.
Comment avez-vous choisi ces personnages ?
Pour leur personnalité hors du commun. Concernant les parfums masculins, j’ai choisi Jules Verne, Casanova et Sade, qui forment une trilogie complémentaire dans lequel j’exprime trois choses que j’estime fondamentales : le voyage, le romantisme et l’érotisme. Concernant les parfums féminins, je me suis laissé guider par mon instinct et par l’image que j’avais de femmes à la personnalité fascinante. Mata Hari s’est imposée avec son voile de mystère et sa beauté orientale, Eugénie de Montijo pour sa personnalité fantasque et séductrice, George Sand, qui aimait la nature et dont la liberté m’a inspiré un jus fleuri et épicé. Et enfin Colette, un parfum gourmand et voluptueux, comme elle. J’ai aussi eu envie de parfums radicalement sensuels, illustrant un certain érotisme. L’année 1969 était une évidence pour une fragrance très près du corps, et l’ambre mythique s’accordait naturellement avec l’idée que l’on peut se faire d’un harem oriental…
Où trouvez-vous votre inspiration ?
En marchant ! Je voyage sans cesse et passe beaucoup de temps à marcher dans les villes, New York, Barcelone, Berlin… je croise des personnes différentes, au milieu d’architectures différentes, dans des climats différents et cela me donne toujours des idées.
Quelle est votre définition du luxe ?
Exceptionnel, inédit, et peut-être inatteignable, du moins qui implique que l’on fasse un effort pour l’obtenir. Et pas simplement financier : le luxe se déniche, mérite qu’on se déplace, qu’on le cherche.
Pouvez-vous définir précisément votre clientèle ?
Nos parfums, de par leur positionnement à la fois exclusif et intellectuel, attirent principalement une clientèle de quarante à cinquante ans. Après vingt-cinq ans d’existence, nous avons su fidéliser une communauté qui nous suit depuis nos débuts, attachée à ses fragrances de prédilection, tout en restant curieuse des nouveautés. Cette fidélité s’étend aussi à une nouvelle génération, souvent initiée par ses parents, et désireuse d’explorer l’univers de la parfumerie de caractère.
Quelle est la part de l’export dans votre chiffre d’affaires en 2024 ?
L’export représente 85 % de notre chiffre d’affaires.
Vos projets cette année ?
Encore de belles histoires à raconter !
www.histoiresdeparfums.com
www.olibanum.com
Propos recueillis par Cécile Olivéro